Je fais suite à votre lettre par laquelle vous m’avez notifié mon licenciement, que je conteste totalement.
Lors de mon entretien d’embauche, je souhaitais corriger l’intitulé du poste qui n’était pas celui pour lequel j’avais postulé. Vous m’assuriez, que l’intitulé ne changerait pas grand-chose pour moi dans les faits et que cela ne durerait pas. Je vous ai cru ; j’étais excité de travailler pour ce projet.

« J’ai tout accepté sans jamais me plaindre »

Le poste que j’ai occupé dès lors n’avait rien à voir avec celui pour lequel j’avais postulé et été recruté : j’occupais un double poste ; j’avais des journées pouvant aller parfois jusqu’à 12 heures de travail de suite.J’étais complètement seul. Vous m’assuriez que cela serait très temporaire. J’ai tout accepté sans jamais me plaindre.

Je pense avoir beaucoup contribué à l’implantation du projet dans le quartier.
J’ai été contraint de travailler dans des conditions difficiles puisque, pendant un an, j’étais assis à une petite table dans le hall, avec un vieil ordinateur récupéré dans les poubelles du centre d’animation. Des fils pendaient du plafond au-dessus de moi. J’ai passé l’hiver entier dans le hall au milieu des travaux assourdissants, sans chauffage. J’ai travaillé plusieurs semaines en manteau et avec un bonnet à cause du froid en décembre. J’ai effectué les missions les plus diverses, étant le seul membre de l’équipe pendant un certain temps.
Je devais également être présent 4 soirs sur 5, pour assurer l’ouverture et la fermeture du lieu, sur une amplitude horaire comprise entre 18h et 22h45, en plus, d’être présent aux réunions d’équipe prévues en matinée ou aux rendez-vous en journée. Je n’ai jamais laissé transparaître quoi que ce soit devant les intervenants ou les publics. J’ai toujours effectué mon travail avec le sourire et entrain.

 « Ces horaires et ces conditions de travail ont eu de lourdes conséquences sur mon moral »

Cependant, je vous ai fait part à plusieurs reprises du poids que représentait cette permanence et qui pesait sur mes épaules, qui ne remettait en rien en cause mon implication ni ma motivation, mais qui me minait. Il faut bien le comprendre : ces horaires et ces conditions de travail, (où j’étais seul 80% du temps) avaient une forte influence sur mon moral et de lourdes conséquences sur ma vie personnelle. Je vous le disais pour la première fois lors d’un entretien de bilan, plusieurs fois encore par la suite. J’ai essayé plusieurs fois avec mes moyens de vous faire part de mes difficultés. Je vous proposais des solutions, comme la possibilité d’engager un agent de sécurité vacataire.
A ma détresse, vous avez répondu par de la pression et des menaces. Vous me répétiez sans cesse que « j’ai signé pour ça » et que « mes demandes incessantes remettraient en cause notre collaboration ».
J’insiste : ce poste, je l’ai toujours assuré et bien assuré, avec le sourire de circonstance. En témoigne, mes excellentes relations avec le public ainsi qu’avec tous les intervenants.

Je me souviens encore d’une fois, en février, où j’avais fait part de ma fatigue physique et morale et que j’avais besoin d’un jour de repos, au directeur adjoint, qui vous l’avait immédiatement remonté. Vous m’avez alors convoqué et, entre quatre murs, votre message avait été clair « si vous n’en pouvez plus, vous êtes libre de partir ».

« Vous mêliez sans cesse le privé et le professionnel. »

Samedi matin en octobre, nous avons effectué ensemble une « permanence inscription » entre 10h et 17h. Il n’y avait que nous deux, c’était quelques semaines après ma prise de poste. Durant toute la pause déjeuner, vous m’avez posé des questions sur mes origines et sur ma pratique religieuse. Je vous ai informé qu’il s’agissait d’un sujet sensible pour moi, pour des raisons très personnelles que je vous ai alors exposées.

« Combien de fois en ai-je été la cible ? »

Sur mon physique :
– « vos doigts sont dégueulasses, on dirait des moignons »
– « c’est quoi cette touffe (coupe de cheveux) de playmobil »
Sur ma façon de m’habiller : « vous êtes quand même mieux quand vous mettez des habits un peu classe » quand je m’adressais à vous :
– « mais qu’est-ce qu’il veut lui » , « il est encore là lui »
– « vous n’avez aucune expérience » , « je ne vous ai pas recruté pour vos compétences »

Sur le privé :
– en période d’élection présidentielle, vous m’avez interpellé publiquement ainsi que mon collègue, sur mes convictions personnelles, que je n’ai pourtant pas pour habitude d’afficher ; par la suite, vous êtes revenue à la charge auprès de chacun de nous deux individuellement. Plusieurs fois dans mon cas, sur un ton menaçant, présentant votre demande comme une injonction, mélangeant complètement le privé et le professionnel, comme si vous étiez mon supérieur hiérarchique dans la vie privée.
Vous avez également à plusieurs reprises pris à parti M. X, membre de la direction, devant nous, en réunion d’équipe : « toi le Filloniste tu me dégoûtes »
– sur mes origines religieuses, vous n’avez cessé de me rappeler depuis que la question vous travaille, comme le jour de la permanence en octobre. Par la suite, vous avez cru bon, pour je ne sais quelle raison, d’informer ma collègue de ma religion, quelques semaines après sa prise de poste, comme si cela avait quelque chose à voir avec notre travail. Alors que cela relève de l’intime.

Les deux jours suivants, nous avions une grande réunion d’équipe. Cette prise de parole, nous l’avions préparée en équipe. Mais vous avez fermé la porte à toute discussion.

« Je n’étais pas l’unique cible »

Combien de fois ai-je été témoin de vos remarques déplacées, hors du champ professionnel ?

– « On va les niquer » (mille fois, à propos de tout et n’importe quoi ; plus particulièrement en parlant du quartier et des partenaires associatifs),
– « il y a la grosse Carine assise sur mon canapé » (en vous adressant à moi dans les yeux et pour désigner l’ancienne directrice du centre d’animation pour qui vous saviez pertinemment que j’ai beaucoup d’estime et avec qui j’ai gardé une bonne relation),
– cette remarque faite devant moi à ma collègue, la plus déplacée de toutes, et toujours dans la plus grande décontraction : « comment va votre fils? Il n’est pas encore mort celui-là ? »
– à mes collègues Lise et Marie quelques jours après leur prise de poste, en janvier 2017 « comment elles vont les anorexiques ? »,
– le jour où vous avez caricaturé chacun des membres de votre équipe, moi y compris, où vous avez également dessiné un énorme sexe à coté de nos visages.
– … et tellement d’autres.

« Il n’y avait aucune organisation du travail »

Depuis que j’ai débuté chez vous, il n’existe aucune organisation du travail. Ainsi, par exemple, nous n’avons jamais eu de planning prévisionnel dans les temps ; nous avons régulièrement dû organiser nous-mêmes nos plannings nos postes ; vous avez décidé de nous faire signer de fausses feuilles d’heures pour rester dans le cadre légal (plus de six heures consécutives sans pause, plus de 10 heures dans une journée, etc.).
Mon travail n’a jamais été encadré ni suivi sérieusement, ni par vous ni par quiconque. Il a toujours fallu que je réclame pour faire des points en rapport avec les ateliers.
Les réunions ateliers (plutôt des « points ») étaient rarissimes. Lorsque venait mon tour de parler, les réunions étaient écourtées sous prétexte que vous aviez un autre rendez-vous.
J’ai pourtant toujours fait du mieux que je le pouvais, je pense avec succès (lors du « week end des ateliers », chacun des membres de l’équipe, vous y compris, félicitiez mon travail sur cet événement ; vous avez porté un toast avec tous les inscrits et intervenants aux ateliers présents, à la qualité de l’organisation de ce week-end et « à la bienveillance continuelle que je mettais dans son rapport avec vous (intervenants et inscrits) »).

La première (et la seule) réunion concernant les ateliers a eu lieu un lundi. J’ai proposé de dresser un bilan des inscriptions à ce jour, j’ai rappelé que le weekend des ateliers avait été un échec en termes de fréquentation.
J’ai ensuite rappelé les chiffres des inscriptions (140 inscrits pour 650 places), en précisant que c’était un échec ou tout au moins une déception, au même titre que le week-end des ateliers, et qu’il était nécessaire de « se poser des questions ». Vous avez immédiatement rétorqué, en me regardant droit dans les yeux : « on se les pose les questions, ne vous inquiétez pas ».

« A partir de cet exact moment, je n’existe plus pour vous. »

Vous ne m’adressez plus la moindre parole, ni le moindre regard, comme si je n’existais pas ; les questions qui me sont adressées, vous les posez à mon responsable. A la fin de cette réunion, vous partez de la salle en remerciant les deux autres membres de la direction présents. Sans me mentionner.
Ce sera ainsi jusqu’à réception de ma lettre de licenciement.

Lors de l’entretien préalable à une sanction disciplinaire, vous n’avez pu établir aucune faute. Aucun dialogue n’a été possible. L’entretien a duré quelques minutes à peine.
Et vous m’avez licencié pour des motifs que je conteste totalement.
Vous prétendez que j’aurai quitté « la réunion de rentrée », « en tenant des propos inadmissibles » et en prétextant qu’elle « me saoule ».
Je réfute tout en bloc.

Une semaine après la rentrée, vous êtes venue interpeller l’ensemble de l’équipe salariée, en nous annonçant que vous aviez « une communication » à nous faire. Vous avez surenchéri sur son caractère « unilatéral », qui « n’appelait aucun commentaire ». Vous avez sorti votre tablette numérique et commencé à lire un texte. Vous vous en êtes prise individuellement à chacun de mes collègues. Vous leviez les yeux de votre tablette pour vous adresser à eux, à la troisième personne et en les nommant par leur poste. Ce moment prenait déjà une tournure tout à fait violente, non seulement dans les propos mais encore dans la méthode. A la première occasion, vous avez interpellé Céline : « vos haussements de sourcils ça commence à me gaver. » Lorsque celle-ci a exprimé la violence de la scène, vous avez rétorqué « je suis votre directrice » et lui avez rappelé qu’elle n’avait pas à s’exprimer.
La limite du supportable a été franchie lorsque vous vous êtes adressée à moi. Vous m’avez d’abord accusé d’avoir voulu faire passer un problème individuel pour un problème collectif. Puis vous avez levé les yeux et tenu ces propos : « il porte tout le poids de la Shoah sur son visage ».
Les mots me manquent pour exprimer mon indignation.
Céline a quitté la salle. Vous l’avez menacée « vous allez avoir de gros problèmes si vous quittez cette pièce ». Je l’ai suivie avec ces mots « je m’en vais aussi, c’est inadmissible ».
Nous sommes retournés à nos postes de travail. Nous avons fait preuve de maturité dans un acte simple de refus de l’intolérable.

« Je conteste le caractère réel et sérieux de ce licenciement ».
Je conteste donc fermement toute « attitude négative » que vous semblez vouloir me prêter.
A ce titre, je conteste le caractère réel et sérieux de ce licenciement.

Mots clés : violencedutravail, secteurculturel, discrimination, licenciement

Janvier 2020

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