Ouvrier agricole à 14 ans, il devient distillateur.  Il travaille 30 ans jour et nuit 2, 3 semaines, parfois 4 semaines d’affilées. Ils sont deux dans cette distillerie, ils dorment chacun leur tour. Les périodes où il ne rentre pas chez lui, sa femme lui apporte des cigarettes, des vêtements et des courses.  

Pendant ses jours de congés, son patron lui demande de faire des travaux chez lui. Un jour d’été alors qu’il refait le toit de la maison de son patron, il tombe et se casse la jambe. Après un court arrêt il reprend le travail et les travaux chez le patron.

Son patron lui prête sa maison de vacances une fois par an. Il le remercie. Il retourne travailler à la distillerie, c’est un travail qu’il aime. 

Il ne dort pas plus de 3 heures par jour, fume 3 paquets de cigarettes, il a mal aux genoux, à la jambe, il continue. 

Les autres jours, lorsqu’il est en repos perché sur un toit qui n’est pas le sien, il regarde la télévision, il se relâche. En fait, il n’a plus de force, tout son corps lui fait mal. Il aimait pêcher, nager avec ses petits-enfants, faire du vélo, jouer au volley. Il ne peut plus.

Malgré les douleurs qui ne le quittent pas, il remercie son patron, il lui est reconnaissant du travail qui lui a donné, de lui avoir permis de devenir ouvrier qualifié, de faire un métier dont il est fier.

Il parle peu, peu de lui, peu de son travail. Un jour, il raconte à son petit-fils, non sans une certaine fierté, qu’il sait déterminer le degré d’alcool sans aucun instrument de mesure. C’est le seul des 300 employés du patron à détenir ce savoir-faire. Cette technique, il l’a transmise à un jeune, un seul qu’il a soigneusement choisi.

Il part à la retraite et s’allonge devant la télévision. Il souffre. Sa jambe lui rappelle toutes ces années de travail. Il montre la bouteille du meilleur cognac qu’il faisait. Cette bouteille, il l’a remplie des rares gouttes qui restaient à la fin de chaque cuvée. 30 ans de distillerie, une bouteille de cognac comme un trophée. Ses yeux se plissent, brillent. La fierté quand il la montre. Il ne boit pas. II n’a jamais bu.

Après 5 années de retraite et le décès de sa femme, il met fin à ses jours. 

Mots clés : ViolenceDuTravail, SavoirFaire, Suicide, Ouvrier

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