Je m’appelle Julie. Je dirige un service de santé dans une collectivité territoriale. Dans notre service, on fait de la coordination de projets. Avec la crise sanitaire de Covid-19, l’État s’est une nouvelle fois déchargé sur les collectivités donc nous avons dû ré-axer notre travail vers l’accompagnement de la population pour répondre aux nombreux besoins dans cette période inédite (aide alimentaire, informations sur les ressources en santé…).  

Pendant le confinement, j’ai fait du télétravail : ce n’était pas simple parce que j’ai des enfants qui sont scolarisés, mais avec mon conjoint on s’en sortait. Au fil des semaines, la charge de travail est devenue de plus en plus importante mais en commençant à travailler dès 6h30 le matin, on y arrivait.

Début mai, le maire nous a envoyé une note nous indiquant que nous serions tous obligés de revenir travailler en présentiel. Son message était sans appel, il fallait revenir. Ma directrice m’a téléphoné pour me dire que « vous n’avez rien foutu ces dernières semaines, vous avez été tranquilles chez vous et ça va changer ». J’ai fini par me rendre compte que tous les chefs de services avaient été appelés et que, d’après elle, eux aussi n’avaient pas travaillé. 

Depuis le 11 mai, les journées de 12h de travail ne suffisent plus, la pression augmente tous les jours, nous n’en faisons jamais assez. On nous met la pression pour revenir travailler en présentiel même si on a des enfants et que l’école ne les accepte pas. Des collègues font parfois deux heures de transport pour venir alors que leur travail, c’est de la coordination qu’ils peuvent le faire à distance mais « on n’a rien foutu » alors il faut venir. 

Je suis à bout, épuisée, j’ai l’impression de n’être jamais vraiment réveillée la journée.

C’est décidé, nous avons demandé à l’école s’ils pouvaient accueillir nos enfants car mon conjoint a repris aussi et la journée il n’est plus à la maison. Je ne peux plus continuer comme ça, j’ai l’impression d’être maltraitante avec mes enfants, quand ils me sollicitent, je leur dis « non, pas maintenant », « non, pas là », « j’ai une réunion zoom », « non, non, non ». Je ne peux pas leur faire subir ça, alors on va mettre tous nos principes de côté, de sécurité sanitaire, on va les remettre à l’école, tout ça parce que là ce n’est plus possible avec le travail. Je n’en peux plus.

Il y a plusieurs cas de Covid-19 dans la collectivité mais le service concerné ne sera pas fermé et nous on doit venir au bureau. Cela n’a pas de sens mais je n’ai pas le choix. 

On est dans une collectivité, on entend tout le temps que « les fonctionnaires » ont la belle vie, qu’ils sont toujours en arrêt mais non, la pression elle est là, invisible mais très forte. C’est du harcèlement, tous les jours, tous les jours on nous appelle on nous demande de faire ci, ça, on nous en rajoute chaque jour, même si les demandes n’ont pas de sens. On me demande de faire des notes, j’ai zéro info, je me débrouille. 

Tous les jours c’est violent. 

Je travaille dans la santé et je viens m’exposer au travail sans raison valable.  

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