7 ans prof d’atelier (maître auxiliaire dans le privé) puis 15 ans contractuel en Greta sur des formations d’adultes assurées dans des salles de lycée, j’ai connu aussi des aventures ubuesques.

Certaines m’ont été évitées car j’ai toujours veillé à avoir d’excellentes relations avec les femmes de ménages. La table supplémentaire que je réclamais depuis quelques semaines déjà à l’intendance se retrouvait dans ma salle le lendemain de mon information à ces personnes dont l’importance est ignorée. Parmi les faits qui m’ont le plus agacé, il y en a deux à résonance pédagogique.

Quand j’étais prof d’atelier, j’avais pris l’habitude d’apporter un appareil photo et de faire prendre un travail particulièrement bien fait par l’élève qui l’avait réalisé. J’avais ainsi, en plus de la mise en valeur un press-book pour les élèves des années suivantes. Le chef des travaux me fit venir, me demanda la raison de mes actes et qui payait les deux pellicules nécessaires et leur développement (il n’avait pas de numérique). Je lui ai répondu que c’était moi. Il réfléchit plusieurs jours et finit par me dire « On va vous en payer une et, si on constate qu’il y a réellement un intérêt pédagogique, on vous en paiera deux ». J’ai refusé. Non mais !

Au Greta, par la suite, j’étais coordinateur d’un petit lieu de formation et chaque année je devais remplir une fiche du personnel pédagogique. En tête le responsable (proviseur du lycée qui ne connaissait rien à notre métier et touchait une prime pour un travail qui n’existait pas, mais passons), puis le coordinateur, puis la liste des formateurs avec leur matière. Il y avait une petite case à part pour le personnel administratif, en l’occurrence une secrétaire, point final. J’ai été en poste 8 ans et pendant 8 ans, j’ai rajouté la femme de ménage à mi-temps, qui plus est (scandale) dans la liste du personnel pédagogique et chaque année, pendant huit ans j’ai dû recommencer à justifier cet acte. J’expliquais l’importance pour les stagiaires d’entrer dans une salle propre et bien rangée, d’avoir une personne qui faisait le travail pédagogique d’enseigner à l’occasion le respect du matériel, mais aussi dans cet APP (Atelier de Pédagogie Personnalisée) où l’on recevait une grande majorité de jeunes de moins de 25 ans au chômage, elle avait un rôle très important pour repérer les stagiaires en déprime et donner de l’écoute et quelques conseils d’une mère de famille de bon sens, plus proche parfois que certain.e.s enseignant.e.s. Huit années de suite avec le même directeur du Greta et le même proviseur de lycée. Il faut une patience infinie, surtout quand, comme moi, vous avez à la fois une expérience professionnelle de l’industrie et une expérience militante de l’éducation populaire.

J’ai dit un jour à une responsable académique que je me réjouissais de voir que l’Éducation Nationale avait racheté le « gosplan » soviétique et j’ai failli perdre mon contrat, renouvelé tous les ans pendant 15 ans au mépris de tout droit du travail. J’étais délégué syndical et, devant d’autres réformes de nos conditions de travail, toutes plus illégales les unes que les autres je suis allé trois fois au tribunal administratif et trois fois le Greta fut condamné. On a fini par me dire qu’il n’y avait plus de travail pour moi, embaucher quelqu’un d’autre pour faire mon boulot qui n’avait pas disparu. A trois ans de la retraite, j’en ai eu assez. J’aurais pu une dernière fois aller au tribunal pour licenciement déguisé, mais j’ai préféré aller voir ailleurs.

Je ne sais s’il existe, dans un autre pays « développé » occidental ou même asiatique, une administration aussi centralisée et bureaucratique que « la nôtre ». Bon courage !

Février 2021

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