Une nuit, il a sauté du haut de l’hôpital. Ce jour-là, il n’était pas en service. Il a marché deux heures, dans le froid avant d’arriver sur place.

En arrivant, il a salué ses collègues, est allé au vestiaire, il a mis sa blouse et il est monté. Une fois en haut, il s’est installé dans une salle et il a appelé sa femme. Il l’a prévenu qu’il allait se suicider. Quelques minutes plus tard, il était mort.

Personne ne l’aurait imaginé. Il aimait son travail et les patients. Il ne se plaignait jamais.

Les membres de la Direction de l’hôpital ont parlé de son intimité : de problèmes personnels, de disputes avec sa femme, de ses dettes.

Ils n’ont pas parlé :

  • de sa carrière : entré comme agent hospitalier, il est devenu aide-soignant puis infirmier,
    • de ses évaluations toujours excellentes,
    • de son engagement professionnel,
    • du soutien qu’il apportait chaque nuit à son équipe,
    • de la fatigue accumulée, du manque de sommeil, de son manque d’appétit du fait de travailler de 21 h à 7h depuis des années,
    • des dilemmes quotidiens auxquels il devait faire face ces dernières années :
  • devoir laver, nettoyer, changer plus de 25 patients incontinents seul,
  • devoir laisser des patients dans des couches sales pour aller relever celui qui est tombé,
  • de la peur de voir un patient fuguer pendant qu’il changeait un autre patient,
  • de la responsabilité qu’il prenait car les infirmiers sont seuls la nuit, sans médecin,
  • de la crainte de faire une erreur, une erreur fatale pour le patient,
  • de devoir réveiller à 4 heures du matin un patient qui vient juste de parvenir à s’endormir pour lui faire une prise de sang car il n’y a pas assez de personnels dans l’équipe du matin,
  • du sentiment de mal faire son travail qui le rongeait,
  • du sentiment de plus en plus fort de maltraiter les patients,
  • de la blouse, qu’il a revêtue ce soir-là.

mots clés : ViolenceDuTravail, suicide, hôpital, engagement professionnel

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